Comment se passe le travail avec un illustrateur ?

Aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler de ma manière de fonctionner quand on me commande une illustration. Je vous expliquais la dernière fois comment je calculais mes devis, et, encore avant ça, ce que vous pouvez faire ou pas avec une illustration. Cette fois je vais donc aborder les différentes étapes de travail d’une collaboration avec un auteur indépendant ou une maison d’édition.

Est-ce qu’on doit laisser l’illustrateur faire ce qu’il veut, ou au contraire lui imposer notre idée sans marge de manœuvre ? On paye avant, ou après réception de l’illustration ? Ça prend combien de temps ? Jusqu’où peut-on faire retoucher un dessin ?
De la prise de contact jusqu’à la livraison de l’illustration finie, voici ma manière de procéder.

À noter que chaque personne fonctionne différemment, et que ma façon de travailler n’est pas universelle. Également, ma propre méthode de travail peut varier en fonction des habitudes de chaque client (surtout lorsque je travaille avec des maisons d’édition)(la flexibilité est un truc formidable).

 

 • PREMIER CONTACT

Tout d’abord, afin d’établir un devis, l’illustrateur doit être en mesure d’évaluer la charge de travail que représente votre projet. N’hésitez pas à développer votre demande : vous pouvez, par exemple, joindre les travaux de l’illustrateur que vous avez particulièrement appréciés, ceux qui vous ont poussé à prendre contact avec lui ou qui se rapprochent le plus de ce que vous avez en tête.
Si vous savez avec précision ce que vous aimeriez, décrivez-le, et si vous n’en avez aucune idée, dites-le. Cela fera gagner du temps à tout le monde et permettra de vous proposer des solutions adaptées (par exemple, je ne vais pas réaliser trois croquis différents pour une personne qui sait exactement ce qu’elle veut, et mine de rien, ça nous fait gagner une journée de travail.)

N’hésitez pas à créer un pdf ou un tableau Pinterest rassemblant ce qui vous inspire, à la façon d’un mood-board. Il n’est pas question pour l’illustrateur de recopier ce que vous lui montrez, mais de s’imprégner d’une ambiance générale qui colle au plus près de votre roman.

 

• Vous ne savez pas ce que vous voulez ? 

Au risque de vous décevoir, un illustrateur aura rarement le temps de lire le roman en entier pour piocher ce qui lui semble le mieux. Des fois, on aimerait, hein. Mais lire un roman, même en diagonale, demande plusieurs heures – des heures qu’on pourrait passer à travailler.

C’est à vous de donner un petit coup de pouce à l’illustrateur. Personne n’est plus apte à rendre votre univers intéressant que vous-même : parlez de votre histoire, des messages que vous voulez faire passer, de la psychologie de vos héros, de l’ambiance que vous cherchez à instiller… il existe mille et une façons de représenter un roman, et le travail de l’illustrateur est justement de réussir à visualiser les plus parlantes pour leur donner vie.
Par exemple : avez-vous des symboles, tels que des objets, des lieux emblématiques ou des scènes-clé ? Y a-t-il des passages particulièrement marquants de votre texte que vous pourriez donner à l’illustrateur pour qu’il s’imprègne de ces éléments ?
Oui, forcément.

À partir de là, l’illustrateur réalise un devis, incluant la réalisation de un à trois croquis différents, selon ce qu’auront donné les échanges avec l’auteur.

 

• Vous savez ce que vous voulez avec précision ?

Il ne vous reste plus qu’à le décrire, en gardant à l’esprit que l’on peut vous conseiller de modifier légèrement (ou non) votre idée afin de la rendre plus accrocheuse.
Parce que le rôle d’un illustrateur ne se cantonne pas qu’à exécuter : on est également là en tant que conseiller, tant par notre expérience dans le milieu que par nos connaissances techniques. Le but n’étant pas de briser vos rêves, mais de les sublimer et d’en faire un truc vendeur.

 

 

• VOILÀ ! LE DEVIS EST FAIT, ET VOUS L’AVEZ ACCEPTÉ. ET MAINTENANT ?

1- Le contrat

Si vous êtes auteur indépendant, l’illustrateur peut vous fournir un contrat de cession de droits attestant l’étendue des droits cédés, ou vous pouvez le fournir vous-même si vous êtes en mesure de le faire. Vous pouvez trouver un exemple ici, et l’adapter à la situation (le mieux étant de se faire épauler par un juriste histoire que ce soit fait correctement).

Pourquoi c’est important
Parce qu’en cas de litige lié à une utilisation abusive de l’illustration, le contrat sert de référence pour savoir si cette utilisation est réellement abusive ou non, côté auteur/maison d’édition comme côté illustrateur.

 

2- Le croquis

Suivant ce qui a été convenu dans le devis, l’illustrateur vous fournira de un à trois croquis, soit en line soit en valeurs de gris. Il vous faudra alors faire un choix, et éventuellement adapter le croquis retenu si besoin.

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Exemples de trois croquis, réalisés pour le site de Noir d’Absinthe éditions

 

3- Les ambiances de couleur

Le croquis a été retouché, validé, il est maintenant temps de poser les premières couleurs. Personnellement, je le fais de manière relativement brouillon, le but étant de rendre une impression générale de ce que de sera l’illustration finale. Là encore, le client devra valider avant d’attaquer les détails.

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Selon les travaux, il peut y avoir de 1 à 4 propositions différentes.

Ces deux étapes sont très importantes et nécessitent une attention toute particulière afin d’éviter des modifications importantes sur l’illustration finale (par exemple, changer la pose d’un personnage peut prendre une journée entière, voire plus selon ce qui est demandé. Mon maçon l’illustre très bien).

Bien sûr, il est possible de modifier l’illustration même lorsque celle-ci est finalisée (heureusement !) Mais disons que chaque étape mérite qu’on y prête la plus grande attention et qu’il est important de donner des retours francs pour éviter d’être frustré à la fin. Ça paraît logique, mais dans la pratique, c’est pas toujours ça.

 

4- La finalisation

Le titre parle de lui-même : il s’agit du moment où l’illustrateur renverra une première version finale de la couverture, en basse définition. Derniers ajustements, dernières retouches… jusqu’à validation. Si l’illustrateur se charge également de la maquette de couverture, c’est à ce moment-là que ça interviendra.

Ensuite, il vous enverra les fichiers HD suivant ce qui a été convenu dans le devis (PDF, tiff, jpeg…)

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Quelques étapes jusqu’au final

 

• Et on paye quand ?

Ça dépend des gens, des illustrateurs, des clients. Au début de la commande lors de l’acceptation du devis, à la fin une fois les fichiers finaux livrés (avec les maisons d’édition, notamment, c’est comme ça que ça marche dans la majorité des cas), ou une partie au début et une partie à la fin.

Personnellement, quand je travaille avec des particuliers ou des auteurs indépendants, je n’envoie aucun fichier HD tant que je n’ai pas reçu la totalité du paiement. Même avec les maisons d’édition, j’ai parfois du mal à accepter de faire autrement, parce qu’il faut souvent courir après les règlements et, disons-le, c’est très très chiant.

 

Et voilà !

 

 

Petit conseil à destination des créatifs passant par là : 

Prenez garde à bien rédiger vos devis : le type de prestation, la manière de procéder, le temps de travail estimé, ainsi que la mention « toute prestation ne figurant pas dans la présente proposition fera l’objet d’un devis supplémentaire ».

Par exemple :
Présentation de 3 pistes créatives

• Optimisation d’un axe, finalisation et exécution.
• Déclinaison de l’illustration en 2 versions, 1 CMJN (supports papiers) et 1 RVB (écrans)
> Livraison de la couverture aux formats pdf/jpeg.
> Droits d’auteur et utilisation inclus conformément au contrat attenant.

Pourquoi ? Eh bien, par sécurité.
Définir ce qu’inclut et n’inclut pas votre prestation est le moyen le plus sûr de vous éviter de travailler pour rien, voire de manière abusive. On peut se tromper de quelques heures dans un devis, les heures sup’ ça arrive. Mais il peut arriver qu’on vous fasse recommencer une couverture du début parce que, finalement, « ça ne va pas », « on a changé d’idée, on préfère l’autre croquis ». Avec de telles précisions, vous pourrez recommencer, oui, mais sans vous faire exploiter.
Et c’est important, pas vrai.

 

 

5 réflexions sur “Comment se passe le travail avec un illustrateur ?

  1. Les conseils de Ponine dit :

    Je suis réellement ravie d’être tombée sur ton article. Il est non seulement très enrichissant mais également très bien expliqué. Je comprends à présent bien mieux la partie illustration qui me semblait, en tant qu’auteur, réellement floue.

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  2. JabberTheBlogger dit :

    Hello !
    J’ai une petite question ! J’ai un très lointain projet de box littéraire et je voudrais savoir : si j’achète une illustration numérique à un auteur, est-ce que je peux l’imprimer moi-même en plusieurs exemplaire et la mettre dans les box ou est-ce qu’il faut acheter une illustration par box (parce que si c’est la deuxième option c’est pas très rentable pour moi ^^) ?
    C’est une question que je me pose depuis pas mal de temps & j’me suis dis que tu serais probablement à même d’y répondre 🙂

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    • Tiphs dit :

      La session de droits se calcule en fonction de l’utilisation prévue (durée d’exploitation, types de support, nombre d’exemplaires…). Tu payes une certaine somme lors de la commande, qui te permet ensuite d’utiliser l’illustration comme tu le souhaites tant que ça reste dans le cadre de la session de droits. Pas de paiement à faire à chaque impression, donc 🙂

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