Devenir Graphiste

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         Le graphisme est un terme au moins autant à la mode que le métier qu’il désigne est mal connu du grand public. Pour tous ceux qui aiment dessiner, être graphiste est un rêve, celui de passer son temps à faire des retouches sur photoshop et être payé des fortunes pour faire ce qu’on aime.
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La réalité est un peu différente.
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• Tout d’abord, être graphiste nest pas à la portée de toutes les bourses.
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Ce sont des études qui coûtent cher car les écoles qui enseignent la profession sont, dans la plupart des cas, privées, et valent en moyenne aux alentours de 4000 euros l’année.  Comptez une année de prépa obligatoire, plus deux à trois ans de formation intensive basée avant tout sur la pratique, ce qui fait donc un sacré budget à prévoir. 
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Quand on sait qu’en plus des 4000 euros annuels, on doit prévoir l’achat d’un bon ordinateur, des licences des logiciels Adobe, une tablette graphique, plus touuuut l’équipement de peinture nécessaire les deux premières années en fonction des écoles (feuilles de différentes tailles et de différentes couleurs, gouaches, pinceaux, crayons, gommes, aquarelles, fusain, feutres à alcool type Pro-Marker à 4 euros pièce, cartons à dessin, pochette de protection, book format A3), ainsi que tout le papier nécessaire à l’impression des travaux à partir de la deuxième année (minimum trois boulots à imprimer, souvent au format A3 donc direction l’imprimeur)ça fait beaucoup d’argent à prévoir.
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Pas de panique cependant, le prêt étudiant, qui consiste à emprunter une somme qu’on ne rembourse qu’une fois les études terminées, est votre ami. J’y ai eu recours et je le conseille, même si ça signifie se traîner des dettes dès ses études et pendant 6 ans après le diplôme.
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La plupart des écoles n’ont pas d’autre épreuve d’entrée qu’un entretien de quelques dizaines de minutes suivi de la présentation d’un dossier… si vous pouvez payer et si vous savez un minimum dessiner, a priori, vous serez acceptés. À chacun, après, de mettre cette année de prépa (ou Mise À Niveau en Arts Appliqués, ou MANAA, c’est la même chose) à profit pour s’imprégner de tout ce qu’on lui apprendra et de commencer à forger son style : le réel écrémage se fait en fin de prépa, lorsque le réel (non)potentiel s’est révélé.
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Comment se passent les études ?
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Tout dépend de l’école dans laquelle vous allez.
Pour ma part, après mon année de prépa où j’ai appris les différentes techniques dites traditionnelles (crayon, stylo, peinture, fusain, feutre, croquis, perspective, typographie et nature morte…) ainsi que les bases du dessin (anatomie, observation…), je suis passée en première année où j’ai commencé à apprendre à me servir des différents logiciels Adobe (Photoshop, Illustrator, InDesign, Dreamweaver, Premiere Pro…) tout en continuant de perfectionner les techniques tradi.
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Les travaux donnés étaient pensés par le corps enseignant de manière à ce qu’ils se rapprochent le plus de ce qui se fait dans le milieu professionnel : un briefing nous était distribué le lundi matin avec un thème précis, comme s’il était donné par un client, et nous avions un temps imparti pour le réaliser, toujours sous le contrôle des formateurs qui prenaient alors les rôles à la fois du client (chieur et sans goût, haha, pour nous pousser à exposer un raisonnement abouti) et du directeur artistique (le manager qui va sans cesse vous faire aller plus loin).
Ainsi, j’ai réalisé des travaux fictifs pour Daucy, la ville de Nantes, Lindt… ou pour des magazines dont j’inventais le nom.
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Ce sont des études extrêmement intéressantes qui ne donnent vraiment pas l’impression d’aller à l’école, c’est vrai : on se lève le matin en sachant qu’on va s’amuser avec des pinceaux ou sur photoshop et c’est du bonheur. Mais aussi, parfois, on se lève avec la tête vide et on passe des jours à galérer pour trouver une idée qui ne vient pas malgré tous nos efforts et les conseils de nos profs.
Et c’est précisément cette problématique qui risque de poser problème une fois sur le marché du travail : il va falloir être compétitif à tous points de vue.
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Cest là tout le paradoxe du métier de graphiste : il faut réussir à allier créativité et rendement. Or, dans mon esprit, les deux sont diamétralement opposés. Les bonnes idées ne se commandent pas, ça se saurait sinon. 
C’est une pression considérable qu’il faut apprendre à gérer, car la créativité, on a beau faire, elle ne se commande pas, alors même si on apprend durant nos études des petits trucs pour que tout fonctionne un minimum, le monde du graphisme, et plus précisément du graphisme publicitaire, est un monde de requins. Tu dois être le meilleur, sans quoi, adieu ! 
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• Ensuite, être graphiste n’est pas bien payé — plus maintenant.
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Quand j’ai commencé mes études, on m’a assuré qu’un graphiste pouvait facilement gagner dans les 2500€/mois, et qu’un graphiste débutant tapait plutôt dans les 1400 net. Comme dirait Norman…
FAUX !
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Malheureusement, c’est la crise mon bon monsieur, et les études de graphisme sont tellement à la mode qu’il sort bien plus de jeunes diplômés qu’on en a besoin. Ajoutez à ça l’espèce de cercle vicieux les entreprises embauchent peu ⇒ pour exercer son métier on se met en freelance ⇒ donc les entreprises embauchent de moins en moins ⇒ donc il y a de plus en plus de freelances et c’est la teuf de la précarité.
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Malgré mon statut freelance, je regarde toujours un peu les offres d’emploi, parce que j’aimerais bien moi aussi pouvoir prendre des semaines de vacances tout en étant payée, mais le faire me déprime. Pourquoi ? Mais parce qu’un graphiste, aujourd’hui, est payé au SMIC. Et que non seulement il doit :
  • avoir un bac+3 (la plupart des études de graphisme ayant un équivalent BTS, donc bac+2, merci)
  • avoir au minimum 5 ans d’expérience en entreprise (pas en freelance, donc.)(lol)
  • maîtriser des compétences qu’il n’a même pas forcément apprises, comme savoir coder des sites internet en HTML 5 (c’est de la programmation ça, pas du graphisme), être un commercial né avec toutes les techniques de vente qu’on apprend… en école de commerce (double lol), parler plusieurs langues (les écoles étant privées, il n’y a pas d’échanges universitaires possibles pour les étudiants), bref, d’être méga qualifié dans trouze mille domaines pour être payé au puta!n de SMIC.
  • Un jour, j’ai même vu une offre pour un « standardiste secrétaire graphiste ». Il fallait un diplôme d’école. Payé au SMIC (lololol).

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Face à ce foutage de gueule massif et à cette dépréciation du métier en France, la solution la plus viable pour se lancer dans le milieu consiste à se mettre à son compte, en freelance (malgré le cercle vicieux). Ce n’est pas évident, on tâtonne beaucoup et on fait des erreurs, mais il existe d’excellents ouvrages comme Le Guide du Graphiste Indépendant, paru chez Pyramyd en 2009 pour vous guider.

Pourquoi se mettre à son compte dès le départ ?
Je fais(ais) partie du clan Job en Entreprise Forever. Mais après des mois de recherches infructueuses à cause de mon manque d’expérience, j’ai dû faire face au risque de finir hors du coup. Le graphisme (et la publicité) est un métier pour lequel on doit impérativement être au fait de ce qui se fait partout dans le monde, connaître les dernières tendances et sentir celles à venir. En restant au chômage, on glisse peu à peu hors de cette dynamique, et les recruteurs ne veulent plus de vous.
Alors j’ai créé mon auto-entreprise, pour créer ma propre expérience. Je me suis fait un site, un book, puis je suis allée chercher des clients.

En procédant ainsi, j’ai pu commencer à vivre de mon métier, même si ça a pris du temps, et surtout les recruteurs ne me regardent plus autant de travers parce que, malgré tout, j’ai de l’expérience, et mon book peut en témoigner. Se mettre en freelance, pour moi, c’est s’offrir une expérience qu’on ne veut pas vous donner ailleurs à cause de la crise ou autre, pour ensuite enfin trouver un job stable en entreprise. Si on en a envie. Personnellement, j’aime beaucoup trop travailler en pyjama.

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• Enfin, être graphiste, ça demande unsacrée dose dmotivation.
Parce qu’il faut de la motivation et de la persévérance pour exercer ce métier. Si on fait la synthèse de tout ce que j’ai dit plus haut, pour être graphiste, il faut donc être assez doué pour sortir du lot, pouvoir résister à la pression de la concurrence, savoir s’affirmer et se prendre en main et, surtout, ne pas avoir peur. De la précarité ou d’imposer ses prix, d’enchaîner des dizaines d’heures de travail sans forcément être payé en conséquence (parce qu’on sous-estime toujours le prix de ce genre de travail et qu’au début, on n’ose pas facturer trop haut).
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Si vous êtes encore au lycée et que vous hésitez, prenez le temps de réfléchir à tout ça. Allez interroger des graphistes, des illustrateurs, des webdesigners à propos de leur parcours et de leur manière de vivre aujourd’hui. Les conseillers d’orientation n’en savent pas assez à ce sujet pour vous éclairer, et les écoles oublient volontairement ce genre de détails ou les présentent sous leur meilleur jour pour attirer les élèves.
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Personnellement, je ne l’ai pas fait, j’ai foncé avec des étoiles à la place des yeux et je suis tombée de haut une fois mon diplôme obtenu. Je ne dois qu’à la patience de mes parents, qui ont accepté de m’héberger jusqu’à ce que je sois enfin autonome, d’avoir pu continuer à exercer ce métier. Sinon j’aurais sans doute pris le premier job alimentaire pour payer mes factures et mon prêt étudiant, et peut-être que j’y serai restée. 
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Après tout ça, si vous pensez avoir ce qu’il faut ou que vous voulez vous en donner les moyens, que vous savez que vous voulez faire ce métier au fond de vos tripes, alors n’hésitez pas, parce qu’il s’agit quand même d’un super job en dépit des petites contrariétés.



Pour des infos encore plus complètes,
des détails sur chaque année de formation
et les travaux effectués, sur les débouchés…
vous pouvez consulter le site internet de mon ancienne école, Brassart Nantes.
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Graphisme et illustration, cest pas forcément pareil !

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Pour être illustrateur, un bon coup de crayon mais surtout un style personnel et un univers reconnaissable peuvent suffire à se faire une place dans la profession, en plus d’une bonne dose de chance et de beaucoup de culot. Il n’y a pas forcément besoin de faire une école, les autodidactes sont très nombreux et tous ceux que j’ai interrogés à propos des écoles d’illustration m’ont répondu qu’elles « mènent au même endroit, mais un peu plus rapidement, c’est tout. »
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Le graphisme est un peu différent, puisqu’il requiert un certain niveau de réflexion sur les habitudes de la société, la mise en marche de connaissances techniques et l’acquisition de mécanismes qui ne peuvent s’acquérir qu’en suivant une formation adéquate (via internet ou en école, peu importe). On peut savoir maîtriser Photoshop et faire de jolis montages, ça ne suffit pas.


Des questions ? Direction les commentaires !

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9 réflexions sur “Devenir Graphiste

  1. AgatheK dit :

    Très intéressant ton article.
    Petite question, puis qu’apparemment tu as fait MANAA. Y a-t-il des prérequis ? Je veux dire, puisqu’il s’agit d’apprendre les techniques, les « total débutants » ont-ils leur chance ? Toi-même, comment as-tu vécu cette année de prépa, en terme d’investissement et de travail ?
    J’avoue songer à la reprise d’études, même si cela s’annonce très difficile (notamment pour des raisons financières, Monsieur étant lui-même en reprise d’études…). Mon idée serait de faire un DMA reliure-dorure, ce qui serait un bon complément à mon BTS édition. Mais pour ça, il faudra faudra que je passe par la case « mise à niveau », forcément ^^

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    • tiphs dit :

      Alors oui, je pense que tout le monde a sa chance en MANAA. Personnellement, je suis arrivée avec des tonnes de dessins, mais uniquement au crayon de papier ; je ne savais pas peindre, pas utiliser les crayons de couleur, je n’avais jamais pris de cours. Mais ça a suffi pour que j’y entre, et par la suite, tout est une question de travail.
      Pour te dire, mon année de prépa a été divisée en deux périodes : la première où je découvrais tout ça, avec des difficultés, des notes moyennes et de la lenteur, quelques nuits blanches et une certaine désorganisation (j’ai passé ma scolarité à avoir de très bonnes notes sans rien faire ou presque, je pensais que ça ferait pareil ici)(non). La deuxième a commencé quand j’en ai eu marre d’être juste « moyenne » et que j’ai commencé à réellement m’investir dans les exercices, à chercher comment je pouvais aller au bout des choses… il y a eu un déclic et tout s’est emballé, j’ai progressé et j’ai fini major de ma promo. Ça m’a demandé une certaine somme de travail, c’est clair (j’ai arrêté d’écrire à cette période, d’ailleurs, pas le temps et toute mon inspiration était pompée par l’école)

      Ceci dit, l’année de MANAA était une rigolade en comparaison de la première année. Tout dépend de toi, du temps que tu es prête à y investir et ce que tu es prête à sacrifier pour ça. Ça laisse peu de temps pour des hobbies ou autre.

      Si tu veux, je connais une personne qui a fait des études de reliure, elle pourra peut-être répondre à tes questions au sujet de ce cursus ? Les MANAA varient un peu en fonction des écoles, mais pour ce type d’étude je n’ai aucune idée de la nature des cours qu’on y donne… Tu peux la contacter ici : https://www.facebook.com/P.Lunahel/?fref=ts

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  2. khaneety dit :

    Un article criant de vérité 🙂 Pas simple, mais si le rêve est réalisable, il ne faut pas le laisser de côté. Moi je regrette de m’être engagée dans une autre voie. Mais on y revient toujours 🙂

    Ca fait plaisir de pouvoir te suivre sur une autre plateforme!

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    • tiphs dit :

      HIIIIIN Mais vouzici ça alors ! J’ai l’impression que ça fait une éternité 😀

      Oui, c’est clair que si on en a vraiment l’envie, il ne faut pas hésiter à au moins tenter malgré tout. À partir du moment où on a conscience de la réalité, il n’y a pas de raison que ça se passe mal. Personnellement, j’aurais adoré être géologue, et j’y pense souvent, mais je ne regrette pas d’avoir suivi cette voie malgré tout ^^

      Aimé par 1 personne

      • khaneety dit :

        Eh oui, ça fait longtemps ^^ Mais d’un autre côté, je n’ai jamais cessé de suivre la page Tiph’s art, donc moi aussi je vais pouvoir dire « Hoooo, vous ici!! »
        En tout cas, la nouvelle version de ton blog claque, et ça promet de belles découvertes. j’ai hate de voir la suite et ce que ça va donner!
        De mon côté, le marketing est un peu moins glamour que ce que je pensais, mais je fini toujours par retomber sur de la créa. Je fini par y trouver un peu mon compte 🙂

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  3. repellomoldum dit :

    Bon ben moi c’est pas vraiment une question pour les études mais je me mets au dessin (eh ouais ça y est j’passe le pas) & je suis confrontée à un problème de taille (& pourtant je ne pensais pas que ça en serait un) mais … on commence par quoi ? Y’a tellement de trucs, paysages, personnages, animaux, anatomie « spécialisée » genre œil main visage etc. je suis totalement perdue & je sais même pas par quoi commencer pour mon premier dessin o.o

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  4. Because Banana dit :

    Merci encore pour cet article 🙂 honnêtement je n’y connais rien dans ce milieu, et tes articles m’intéressent fortement car tu sais raconter avec intérêt et sincérité ton vécu. Ça n’a vraiment pas l’air facile, mais est-ce que cela ne rend pas la victoire plus belle encore ? J’en apprends énormément et je t’en remercie 🙂 tu sais comment compléter la découverte par le plaisir de te lire, et tu changes ma façon de penser. Enfin … tu m’éduques ahahaha

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